Les leçons tirées de la fonction publique

Stephanie Blondin
11 mars 2022
4 min de lecture

Ce que j'ai appris de mes deux décennies dans la fonction publique du Canada

J'ai eu le privilège de servir les Canadiens pendant deux décennies en tant qu'employée de la fonction publique fédérale. D'abord analyste des politiques en 2000, j'ai gravi les échelons jusqu'à devenir cadre, dont deux ans comme chef de Cabinet d'un sous-ministre. J'ai mis en œuvre et élaboré des programmes fédéraux et travaillé sans relâche à la recherche et à l'analyse des politiques pour appuyer le processus décisionnel du gouvernement. J'ai dirigé des centaines de séances d'information à l'intention des hauts fonctionnaires de la fonction publique fédérale et j'ai participé à des activités de sensibilisation auprès de divers intervenants.

En bref, j'ai vu la fonction publique sous de nombreux angles et j'ai cherché à apprendre de chaque expérience. De ces vingt années, j'ai tiré trois leçons importantes.

Leçon 1:

Bien breffer est primordial, mais ô combien difficile.

Que ce soit oralement ou par écrit, il y a un art du breffage et de la présentation. La clé est de savoir qui vous informez et pourquoi. La personne qui reçoit la présentation n'a pas besoin de devenir un expert du dossier. Un breffage utile sera intéressant, concis et fournira juste assez d'informations pour aider la personne à comprendre le problème. Il expliquera également pourquoi il est important de discuter d'une question donnée à un moment précis.

Un breffage efficace aidera le décideur à déterminer les prochaines étapes d'un dossier. Il engagera le décideur dans une conversation précise et mettra au premier plan les questions pertinentes pour faire avancer les choses. Les présentations contre-productives, en revanche, sèment la confusion et font dévier la conversation, ce qui se traduit souvent par des résultats frustrants, tant pour le présentateur que pour le public.

Il faut de la retenue et du courage pour faire des présentations efficaces. Il est toujours plus facile de couvrir tout le dossier - c'est une façon de se délester de ses responsabilités téléchargeant toute l'information au décideur (par exemple, sous la forme d'un mémorandum de 10 pages ou d'une présentation de 30 diapositives) et le laissant ainsi à déterminer ce qui est important et pourquoi. Un bon présentateur aura le courage et le discernement de réduire l'information à ce qui est essentiel et le plus utile pour guider le décideur. Qu'il s'agisse d'une présentation à des supérieurs, à des parties prenantes, à des collègues ou à des clients, j'ai compris que d’en donner moins est presque toujours la meilleure approche.

Leçon 2:

La machine gouvernementale est compliquée, mais il y a une raison.

Le gouvernement est une grande machine complexe comportant de multiples couches de processus et de protocoles. Chaque action et décision prise par le gouvernement est soutenue par une autorité ou un ensemble de règles destinées à décrire explicitement ce qu'un fonctionnaire peut ou ne peut pas faire à un moment donné. Le gouvernement est également une machine dotée de plusieurs méthodes de suivi des résultats de ces actions et décisions. Tout cela signifie qu'en fin de compte, un fonctionnaire passe beaucoup de temps dans un dédale de gabarits, à la fois pour les remplir et pour expliquer aux parties prenantes comment les remplir. Rassurez-vous, il y a une raison derrière ce labyrinthe : les contrôles et les équilibres.

La fonction publique est responsable devant les Canadiens dans le cadre du système démocratique. Essentiellement financée par l'argent des contribuables, chaque décision doit être exécutée d'une manière qui respecte ce fait. Pour assurer l'uniformité des décisions dans l'ensemble du gouvernement fédéral, il faut un ensemble complexe de règles pour guider l'élaboration des politiques et l'administration des programmes. Ce sont les freins et contrepoids qui existent pour protéger les fonds publics et garantir que la fonction publique reste alignée sur l'orientation des dirigeants politiques élus dans un pays démocratique.

Est-ce parfois frustrant ? Certainement. Est-ce toujours la meilleure utilisation du temps pour les fonctionnaires ou pour les Canadiens qui tentent d'accéder aux programmes gouvernementaux ? Pas toujours. Mais sans les freins et contrepoids, il y aurait un risque pour l’imputabilité de l'énorme machine qu'est le gouvernement fédéral. Avec le temps et l'expérience, je suis devenue une experte pour naviguer ce labyrinthe et j'aborde le processus avec le zen nécessaire pour obtenir un résultat productif.

Leçon 3:

L'innovation est essentielle, mais cela implique plus de travail.

Dans tous les aspects de la vie, il peut être tentant de tomber dans ses habitudes dans la façon dont nous gérons les situations et menons notre travail. Dans un système complexe comme le gouvernement, par exemple, il peut être facile de se cacher derrière des gabarits et des processus afin d'éviter les solutions créatives. Cependant, il est important de développer un esprit créatif afin de garantir que nos contributions soient pertinentes et inspirantes. L'objectif n'est pas de faire les choses différemment pour le plaisir de les faire différemment. Il s'agit plutôt de s'interroger sur la manière dont nous abordons les défis et de se demander si nous travaillons d'une manière qui profite réellement aux clients que nous servons.

Être novateur, c'est d’avoir l'audace de proposer de nouvelles méthodes pour relever un défi. Cela signifie rechercher des partenaires et persuader les autres de la valeur ajoutée de l'approche proposée. C'est faire preuve de créativité, poser des questions et proposer des solutions uniques. Cela implique de passer des appels à froid, d'être vulnérable lors de session de remue-méninges et de sortir de sa zone de confort.

L'innovation demande du temps pour rechercher des options et identifier de nouvelles méthodes de travail qui sont viables. Il faut de l'énergie et de la persévérance pour innover - plus que ce qui serait nécessaire en utilisant les approches traditionnelles. Bien que ce ne soit pas la voie la plus facile à emprunter, j'ai appris que l'innovation mène inévitablement aux résultats les plus gratifiants non seulement pour les clients mais aussi pour moi-même.

Bien breffer. Comprendre le gouvernement. Rechercher l'innovation.

Ce sont les trois leçons importantes que je porte avec moi dans le prochain chapitre de ma carrière comme consultante. Reconnaissante de deux décennies d'expérience acquise au sein du gouvernement fédéral, j'aborde humblement mon nouveau voyage avec la confiance de ce que j'ai appris et l’anticipation de ce qu'il me reste à découvrir.